Registre des bénéficiaires effectifs

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Le Registre des bénéficiaires effectifs (RBE) est un répertoire d'entités juridiques contenant l'identité de leurs véritables propriétaires et bénéficiaires, dont le principe au niveau européen a été décidé en 2018 en vue de lutter contre la criminalité financière, et qui a reçu un coup d'arrêt en 2022.

Droit européen[modifier | modifier le code]

La Directive de l'Union européenne 2018/843 renforce les modalités de tenue de ce registre institué par la Directive de l'Union européenne 2015/849 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment des capitaux ou du financement du terrorisme (en)[1]. Cette directive est prise dans un contexte de scandales financiers à répétition, dont ceux révélés par les Panama Papers, et vise à compliquer la tâche des fraudeurs et des réseaux criminels cherchant à dissimuler leurs activités derrière des prête-noms et des sociétés-écrans[2].

Transposition en droit français[modifier | modifier le code]

Cette directive européenne est transposée en droit français par l'ordonnance 2020-115 du 12 février 2020[3] et les décrets d'application 2020-118 et 2020-119[4].

Le commissaire aux comptes, dans le cadre de sa profession, a une obligation en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme[5].

Mise en place[modifier | modifier le code]

L'enregistrement des bénéficiaires effectifs des sociétés, fonds d'investissement, associations et entités assimilées s'effectue par les entités concernées auprès d'Infogreffe. À défaut, « les personnes assujetties par l'obligation de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme doivent (personnes mentionnées à l’article L. 561-2 du code monétaire et financier), de porter à la connaissance du greffe les divergences constatées entre les bénéficiaires effectifs qu’elles identifient du fait de leur connaissance client et les bénéficiaires effectifs mentionnés dans le registre des bénéficiaires effectifs ». La consultation s'effectue auprès de l'INPI, le public ayant accès selon l'article L561-46 du code monétaire et financier aux seuls « nom, nom d'usage, pseudonyme, prénoms, mois, année de naissance, pays de résidence et nationalité des bénéficiaires effectifs ainsi qu'à la nature et à l'étendue des intérêts effectifs qu'ils détiennent dans la société ou l'entité.  », tandis que les organismes habilités définis dans le même article de loi et les autorités de contrôle ont accès à l'intégralité des informations[6],[7].

Suspension[modifier | modifier le code]

Le 22 novembre 2022, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que ces registres portaient atteinte à la vie privée et a déclaré illégal leur accès par le grand public[8]. Cet arrêt fait suite à une plainte déposée au Luxembourg par deux personnes, dont Patrick Hansen[8], dirigeant de Luxaviation, la plus grande société de jets privés au monde, et de 116 autres sociétés dont plusieurs dizaines dans des paradis fiscaux[8].

Début janvier 2023, le journal Le Monde relève que la plateforme de consultation ouverte au public en avril 2021, est désormais inaccessible alors que sa création était considérée comme constituant une avancée notable en termes de transparence financière. Le Ministre de l'Économie affirme n'avoir donné aucune directive dans ce sens et renvoie à l'INPI[9].

Le 4 janvier, l'INPI justifie la fermeture des données en open data par un arrêt du 22 novembre 2022 de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qui a déclaré illégal l’accès du grand public aux registres européens de bénéficiaires effectifs, au nom du respect de la vie privée, avant d'incriminer un dysfonctionnement technique[10].

Cet arrêt provoque une totale incompréhension auprès des spécialistes de la transparence financière et de la lutte contre le blanchiment d'argent ; Delia Ferreira Rubio, la présidente de Transparency International juge que « C’est le plus beau cadeau que la Cour pouvait faire au crime organisé »[2].

Le 13 janvier, le Ministère de l'Économie annonce le rétablissement temporaire du service, interrompu selon lui pour des « raisons techniques  », le temps de tirer les conséquences de l'arrêt de la CJUE. Il assure que le service sera accessible aux « organes de presse et [aux] organisations de la société civile y ayant un intérêt légitime »[10].

En février 2023, le service n'est accessible sur le site de l'INPI qu'aux personnes habilitées[6].

Transposition dans les autres pays européens[modifier | modifier le code]

Selon Radio France, reprenant une étude de Transparency international, la transposition dans les différents pays européens est très hétérogène[11].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ainsi que les directives 2009/138/CE et 2013/36/UE (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) » Accès libre, sur Légifrance, (consulté le )
  2. a et b « « La Cour a détruit en un jour le résultat d’années de travail » : stupeur dans la société civile après une décision judiciaire sur la transparence financière », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. « Ordonnance n° 2020-115 du 12 février 2020 renforçant le dispositif national de lutte contre le blanchiment des capitaux ou le financement du terrorisme » Accès libre, sur Légifrance, (consulté le )
  4. « Décret n° 2020-119 du 12 février 2020 renforçant le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme » Accès libre, sur Légifrance, (consulté le )
  5. « Lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. » Accès libre, sur Compagnie nationale des commissaires aux comptes (consulté le )
  6. a et b « Bénéficiaires effectifs », sur www.inpi.fr (consulté le )
  7. « Code monétaire et financier - Article L561-46 », sur www.legifrance.gouv.fr (consulté le )
  8. a b et c Anne Michel et OCCRP, « Le visage caché de Patrick Hansen, l’homme qui a fait reculer la transparence financière en Europe », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  9. Anne Michel, Manon Romain, Maxime Vaudano, Abdelhak El Idrissi et Adrien Sénécat, « Transparence financière : la France suspend discrètement son registre des bénéficiaires effectifs de sociétés », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  10. a et b Les Décodeurs, « Transparence financière : la France rétablit provisoirement son registre des bénéficiaires effectifs de sociétés », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  11. « UE : un bond en arrière pour la transparence financière », sur France Culture, (consulté le )

Articles connexes[modifier | modifier le code]